Charles, par la grace de Dieu roy de France, à tous ceulx qui ces presentes
lettres verront, salut. L’on sçait assez quelz troubles et seditions se sont
dès pieça et de jour en jour suscitées, accreues et augmentées en ce royaume,
par la malice du temps et la diversité des opinions qui regnent en la religion
; et que, quelzques remedes que noz predecesseurs aient tentez pour y
pourveoir, tant par la rigueur et severité des punitions que par doulceur,
selon leur accoustumée et naturelle benignité et clemence, la chose a penetré
si avant en nostred. royaume et dedans les esperitz d’une partie de noz
subjectz de tous sexes, estatz, qualitez et conditions que nous nous sommes
trouvez bien empeschez, à nostre nouvel advenement à ceste couronne, d’adviser
et resouldre les moiens que nous aurions à suivre pour y apporter quelque bonne
et salutaire provision. Et de faict, aprés avoir longuement et meurement
consulté de cest affaire avec la royne nostre tres chereatres honorée E et tres amée dame et mere, nostre
tres cher et tres amé oncle le roy de Navarre, nostre lieutenant general
representant nostre personne par tous noz royaume et pays, et autres princes de
nostre sang et gens de nostre Conseil privé, nous aurions faict assembler en
nostre court de parlement à Paris nostred. oncle, princes de nostre sang, pairs
de France et autres princes et seigneurs de nostred. Conseil privé. Lesquelz,
avec les gens de nostred. court, auroient aprés plusieurs conferences et
deliberations resolu l’edict du moys de juillet dernier1, par lequel nous aurions entre autres choses defendu, sur
peine de confiscation de corps et de biens, tous conventicules et assemblées
publicques, avec armes ou sans armes, ensemble les privées où se feroient
presches et administrations de sacremens en autre forme que selon l’usaige
observé en l’Eglise catholicque, dès et depuis la foy chrestienne receue par
les roys de France noz predecesseurs et par les evesques et prelatz, curez,
leurs vicaires et deputez, aians lors estimé que la prohibition desd.
assemblées estoit le principal moien, en attendant la determination d’ung
concile general, pour rompre le cours à la diversité desd. opinions et, en
contenant par ce moien noz subjectz en union et concorde, faire cesser tous
troubles et seditions. Lesquelles au contraire, par la desobeïssance,
duretébdirecte B et
mauvaise intention des peuples, et pour s’estre trouvée l’execution dud. edict
difficile et perilleuse, se sont beaucoup plus accreues et cruellement
executées, à nostre tres grand regret et desplaisir, qu’elles n’auroient faict
auparavant. Pour à quoy pourveoir, et attendu que led. edict n’estoit que
provisionnal, nous aurions esté conseillez de faire en ce lieu autre assemblée
de nostred. oncle, princes de nostre sang et gens de nostre Conseil privé pour,
avec bon nombre de presidens et principaulx conseillers de noz courtz
souveraines par nous mandez à ceste fin, et qui nous pourroient rendre fidelle
compte de l’estat et necessité de leurs provinces pour le regard de lad.
religion, tumultes et seditions, adviser les moiens les plus propres, utiles et
commodes d’appaiser et faire cesser toutes lesd. seditions, ce qui a esté
faict. Et toutes choses bien et meurementcbien meurement B digerées et deliberées en nostre presence et
de nostred. dame et mere par une si grande et noapp compagnie, nous avons, par
leur advis et meure deliberation, dict et ordonné, disons et ordonnons ce qui
s’ensuyt, assavoir :
1 Édit donné à
Saint-Germain-en-Laye en juillet 1561, enregistré au Parlement le 31
juillet.
I, 03
Et neantmoins, pour entretenir noz subjectz en paix et concorde en attendant
que Dieu nous face la grace de les pouvoir reunir et remectre en une mesme
bergerie, qui est tout nostre desir et principale intention, avons par
provision et jusques à la determination dud. concile general, ou que par nous
autrement en ait esté ordonné, sursis, suspendu et supersedé, surseons,
suspendons et supersedons les defenses et peines apposées tant aud. edict de
juillet que autres precedens, pour le regard des assemblées qu’ilz ferontequi se feront E de jour hors desd.
villes pour faire leurs presches, prieres et autres exercices de leur Religion
; defendant sur les susd. peines à tous juges, magistratz et autres personnes,
de quelque estat, qualité ou condition qu’ilz soient, que lorsque ceulx de lad.
Religion nouvelle yront, viendront et s’assembleront hors desd. villes pour le
faict de leurd. Religion, ilz n’aient à les y empescher, inquieter, molester ne
leur courir sus en quelque sorte ou maniere que ce soit.
Charles, par la grace de Dieu roy de France, à tous ceulx qui ces presentes
lettres verront, salut1. Chacun a veu et cogneu comme il a pleu à
Nostre Seigneur, depuis quelzques années en ça, permectre que cestuy nostre
royaume ait esté affligé et travaillé de beaucoup de troubles, seditions et
tumultes entre noz subjectz, elevez et suscitez de la diversité des opinions
pour le faict de la religion et scrupule de leurs consciences. Pour à quoy
pourveoir, et empescher que ce feu ne s’allumast davantage, ont esté cy devant
faictes plusieurs assemblées et convocations des plus grandz et noapps
personnages de nostre royaume, et par leur bon conseil et advis faict plusieurs
edictz et ordonnances selon le besoing et la necessité qui s’offroit, estimant
par là prevenir le mal et aller au devant de l’inconvenient qui y pendoit.
Toutesfois la malice du temps a voulu, et Nostre Seigneur a aussi par son
jugement incogneu (provocqué, comme il fault croire, de noz faultes et pechez),
lascher la bride ausd. tumultes, de façon que l’on est venu à mectre les mains
aux armes si avant qu’ilz en sont sortiz infiniz meurdres, vengeances,
pilleries, forcemens et saccagemens de villes, ruynes de temples et eglises,
batailles données et tant d’autres maulx, calamitez et desolations commises et
exercées en divers endroictz, que continuant ce mal, et voiant tant
d’estrangers desja en nostred. royaume, sachant aussi les preparatifz faictz
pour en introduire davantage, la ruyneala ruyne evidente E d’icelluy estre ineviapp, joinct la grande
et irreparable perte que à nostre tres grand regret nous avons faicte depuis
ces tumultes commancez de tant de princes, seigneurs, chevaliers de nostre
ordre, grandz capitaines et gens de guerre, qui est soubz la main de Dieu le
vray soustien, appuy, defense et protection de ceste nostre couronne, et ung
argument à noz voisins qui auroient mauvaise volunté de nous entamer et
invahir, comme nous en avons esté et sommes menassez ; ce que par nous
consideré, cherchans tous remedes possibles (encores que graces à Dieu noz
forces soient grandes et que en apparence celles des hommes ne nous
defaillent), voiant neantmoins que tout le mal et inconvenient qui sort de
ceste guerre tourne à la diminution et dommage de nostre royaume, et aiant
experimenté avec nostre grande perte tel remede n’y estre propre ny convenable,
estant la maladie cachée dedans les entrailles et espritz de nostre peuple,
avons estimé que le meilleur et plus utile que y pouvionsbpouvons B applicquer estoit, comme prince tres
chrestien dont nous portons le nom, avoir recours à l’infinie grace et bonté de
Nostre Seigneur et, avecques son bon ayde, trouver moien de pacifier par nostre
doulceur l’aigreur de ceste maladie, en rappellant et reconciliant les voluntez
de nosd. subjectz à une union et à la recognoissance qu’ilz doivent tous à
nostre obeïssance, à l’honneur de Dieu, bien, salut et conservation de cestuy
nostre royaume, en pourvoiant de moien qui puisse retenir et contenter nosd.
subjectz ; esperant que le temps, le fruict d’ung bon, sainct, libre et general
ou national concile et la vertu de nostre majorité prochaine2, conduicte et dirigée
par la main et grace de Nostre Seigneur (qui par sa bonté a eu tousjours soing
et garde de ceste couronne), y apporteront cy aprés le seur et vray
establissement à son honneur et gloire, repos et tranquilité de nosd. peuples
et subjectz. Sur quoy avons bien voulu prendre le bon et prudent conseil de la
royne nostre tres chere et tres honnorée dame et mere, de noz tres chers et
tres amez cousins les cardinal de Bourbon, prince de Condé, duc de Montpensier
et prince de La Roche sur Yon, princes de nostre sang, aussi de noz tres chers
et tres amez cousins les cardinal de Guyse, duc d’Aumalle, duc de Montmorency
connesapp, pairs de France, duc d’Estampes, mareschaulx de Brissac et de
Bourdillon, srs d’Andelot, de Sanssac, de Sipierre et
autres bons et grandz personnages de nostre Conseil privé, qui tous ont esté
d’advis et trouvé raisonnable, pour le bien publicq de cestuy notre royaume,
faire et ordonner ce qui s’ensuyt.
Savoir faisons que nous, suivant icelluy leur bon conseil et pour les causes,
raisons et considerations dessusd. et autres bonnes et grandes à ce nous
mouvans, avons dict, declairé, statué et ordonné, disons, declarons, statuons
et ordonnons, voulons et nous plaist :
Et pour ne laisser aucune occasion de troubles et differentz entre noz
subjectz, avons permis et permectons l’exercice libre, publicq et general de la
Religion pretendue refformée par toutes les villes et lieux de nostre royaume
et païs de nostre obeïssance et protection, sans restrinction de temps et
personnes, ne pareillement de lieux et places, pourveu que iceulx lieux et
places leur appartiennent, ou que ce soit du gré et consentement des autres
proprietaires ausquelz ilz pourroient appartenir. Esquelles villes et lieux
ceulx de lad. Religion pourront faire presches, prieres, chantz de psalmes,
administration du baptesme et de la cene, publication et celebration de
mariages, escolles et leçons publicques, correction selon lad. Religion, et
toutes autres choses appartenans au libre et entier exercice d’icelle. Pourront
aussi tenir concistoires et sinodes, tant provinciaulx que generaulx, appellez
noz officiers es lieux où lesd. synodes seront convocquez et assemblez ;
ausquelz sinodes generaulx et provinciaulx enjoignons à nosd. officiers
d’assister, ou aucuns d’eulx. Et neantmoins voulons et ordonnons que ceulx de
lad. Religion s’abstiennent dud. exercice publicq en nostre ville de Paris,
forsbourgs et à deux lieues es environs d’icelle, lesquelles deux lieues nous
avons limittées et limittons aux lieux qui s’ensuivent, assavoir :
Sainct-Denis, Sainct-Maur des Fossez, pont de Charenton, le Bourg la Royne et
port de Nully. Esquelz lieux nous n’entendons qu’il soit faict aucun exercice
de lad. Religion, sans toutesfois que ceulx d’icelle Religion puissent estre
recerchez de ce qu’ilz feront en leurs maisons pour le faict de lad. Religion,
les enfans ou precepteurs d’iceulx contrainctz de faire aucune chose contre et
au prejudice d’icelle. S’abstiendront aussi de faire led. exercice en nostre
court et à deux lieues es environs, et pareillement en noz terres et païs qui
sont delà les monts, esquelz païs ne seront recerchez de ce qu’ilz feront en
leurs maisons pour lad. Religion. Esperant que Dieu nous fera la grace, par la
determination d’un libre et sainct concile general, de veoir touts nosd.
subjectz reuniz en une mesme foy, religion et creance, comme est nostre desir
et principalle intention.
Henry, par la grace de Dieu roy de France et de Pologne, à tous presens et à
veniraavenir B a, salut. Dieu, qui
est scrutateur des cueurs des hommes et void le fond de toutes leurs pensées,
nous sera tousjours vray juge que nostre intention n'a jamais esté autre que de
regner selon ses sainctz commandemens et gouverner noz subjectz en toute
droicture et justice, nous rendant à tous pere commun qui n'a autre fin que
leur salut et repos. Pour à quoy parvenir nous nous sommes incessamment
efforcez de faire tout ce que avons estimé plus convenable selon les occasions
et le temps, mesmement avec ceste intention d'establir ung asseuré repoz en
cestuy notre royaume et pourveoir aux desordres et abbus qui y sont entrez par
la licence de si longs troubles et le remectre en sa premiere dignité et
splendeur. A ceste fin nous aurions convocqué en nostre ville de Blois noz
estatz generaulx2, où
furent traictées plusieurs choses, speciallement sur le faict de la religion,
ayant esté proposé par aucuns que l’un des meilleurs remedes estoit d’interdire
tout exercice d’autre religion que de la catholicque. Toutesfois Dieu n'a
permis qu'en ayons recueilly le fruict que desirions, ains comme il luy plaist
quelquefois visiter les royaumes et pottentatz avec sa verge de rigueur pour
les offenses et pechez des hommes3, les troubles se seroient rallumez en nostre royaume plus que jamais,
à nostre tres grand regrect et desplaisir. Et ce que sur toutbsur tout plus E nous estoit grief, c'estoit que
l'innocent, c'est assavoir nostre paouvre peuple, portoit le plus de mal,
d'oppression et d'injures. Lesquelles choses ayant jour et nuict considerées,
et nous ayant l'experience en nostre majorité de vingt cinq ans faict
congnoistre que de la continuation des armes et de la guerre ne peult provenir
le bien que nous avons tant desiré et procuré, et croyant fermement qu'il
plaira à Dieu par sa benignité convertir en fin sa rigueur en misericorde, et
que ses visitations soient salutaires admonestemens pour le recongnoistre et
retourner au droict chemin de nostre devoir, aprés avoir imploré son ayde et
supplié de nous inspirer à trouver les remeddes plus propres et convenables
pour le bien de nostre Estat, et pris sur ce l'advis de la royne nostre tres
honnorée dame et mere, de nostre tres cher et tres amé frere le duc d'Anjou,
des princes de nostre sang et autres, des officiers de nostre couronne et
autres seigneurs et noapps personnaiges de nostre Conseil privé, avons, en
attendant qu'il ait pleu à Dieu nous faire la grace, par le moien d'un bon,
libre et legitime concile general, de reunir tous noz subjectz à nostre Eglise
catholicque, par cestuy nostre present eedict perpetuel et irrevocable dict,
declaré, statué et ordonné, disons, declarons, statuons et ordonnons ce qui
s'ensuict :